Il y a des mots qui laissent perplexe, des phrases qui choquent par leur cynisme, et des déclarations qui forcent à s’interroger sur la mémoire collective d’un peuple. Le récent tweet de Madame Martine Moïse appartient à cette catégorie. Sous des airs de prière patriotique et de justice morale, il mêle insinuations, glorifications et appels à la lutte, comme si la souffrance du pays n’existait que pour nourrir son propre rôle de victime et de prophétesse de la vérité.

Dans ce message, elle évoque « la justice qui a frappé », dénonce des « ennemis de la vérité » devenus plus audacieux, et fustige des « valets » agissant dans l’ombre, transformant une tragédie nationale en manifeste personnel. Ce ton, à la fois mystique et accusateur, pourrait émouvoir si la réalité n’était pas tout autre : Madame Martine Moïse est aujourd’hui elle-même inculpée par la justice haïtienne pour complicité et association criminelle dans l’enquête sur l’assassinat de son mari, le président Jovenel Moïse. Depuis cette inculpation, elle refuse obstinément de répondre aux convocations du juge et de se présenter devant la justice de son propre pays…la même justice que son mari utilisait, hier encore, pour faire taire ses adversaires politiques, intimider ses opposants, exercer des pressions sur les magistrats et tenter de réduire au silence la minuscule fraction de la presse indépendante qu’il ne contrôlait pas déjà à travers de juteux contrats publicitaires.
Ce renversement moral est saisissant. Comment peut-on invoquer la justice à chaque phrase tout en fuyant celle qui demande simplement d’être entendue ?
Comment réclamer la lumière tout en refusant de se montrer devant ceux qui cherchent à l’établir ?
Et comment oser parler de « valets du mensonge » quand on multiplie les déclarations publiques pour détourner l’attention de ses propres responsabilités ?
Les Haïtiens n’ont pas oublié ce qu’ont été ces années de pouvoir.
Sous Jovenel Moïse, les promesses de changement ont cédé la place à un règne d’improvisation et d’injustice. Derrière les beaux mots et les discours d’espoir, les actions furent vides de résultats et dépourvues de profondeur.
Pendant presque cinq ans, il a eu la chance d’offrir à Haïti la lumière qu’il promettait. Mais au lieu du soleil, il a laissé un ciel chargé de sang et de peur.
Les gangs qui aujourd’hui décapitent, violent et incendient nos quartiers ne sont pas nés d’un coup de sort : ils furent d’abord des instruments politiques, créés, armés et tolérés pour réprimer la contestation.
Et lorsque ces armes se sont retournées contre le pays, il était déjà trop tard.
Voilà la vérité que Madame Moïse ne veut pas regarder en face.
Les véritables terroristes ne sont pas ceux qu’elle désigne du doigt dans ses tweets, mais bien ceux qui, au cœur même du pouvoir, dans le cercle intime du président, ont trahi sa confiance, manipulé son entourage et participé à le faire lâchement assassiner — paix à son âme. Ce sont ces mêmes hommes et femmes, nés de son propre camp, qui ont précipité le pays des années en arrière, livrant Haïti à la peur, au chaos et à la barbarie qu’ils avaient eux-mêmes nourris.
Ce double langage ne trompe plus personne.
On ne peut pas prêcher la justice depuis l’étranger tout en refusant de se soumettre à la loi de son pays.
On ne peut pas se présenter comme martyre de la vérité quand on fuit les juges qui la cherchent.
Et on ne peut pas se réclamer du peuple quand, pendant cinq ans, on a participé, activement, à sa descente aux enfers.
Haïti n’a plus besoin de tweets, ni de sermons, ni de symboles creux.
Elle a besoin de justice véritable, celle qui affronte les faits sans privilège, sans peur et sans calcul.
Et cette justice-là finira par se faire, car la vérité, même piétinée, finit toujours par se relever.
Fait à Miragoane, le 8 octobre 2025
René-Jean Toussaint – rjtoussaint@yahoo.fr
Citoyen haïtien indigné